Accueil | Association les dervillé | Journal | Histoire | Généalogie | Stéphane Dervillé | Liens | Personnel
PROMETHEE
JANVIER / FEVRIER 2005
Né à Lagny le
9 mars 1842, Jules Alfred Anatole Duroyon deviendra
maître d’école à la fin de ses études.
Marié en 1864 avec Marie Lefèvre,
institutrice elle aussi, il sera nommé instituteur public à Chiry en 1870, en
remplacement de Jules Denaux, démissionnaire. Il
exercera alors les fonctions d’éducateur et de secrétaire de mairie jusqu’à sa
mise en retraite en 1897. Elu conseiller municipal en 1898, l’ancien
instituteur deviendra officier de l’Instruction Publique et recevra les palmes
académiques. Il s’investira dans des œuvres sociales et participera à la
gestion de la Caisse d’Epargne en tant qu’administrateur.
Suite à la démission du maire Narcisse
Arthur Edouard d’Haussy, rendu responsable de la
grève des tisseurs d’Ourscamp, Jules Duroyon sera élu
maire de Chiry-Ourscamp dans un climat social pour le moins tendu. Il se
résoudra à la fermeté face à la demande de deux ouvriers luxembourgeois de les
faire rapatrier aux frais de la commune.
En 1905, tandis qu’est votée la
séparation de l’Eglise et de l’Etat, il fixera la date de la fête communale au
dernier dimanche de juillet, rompant ainsi avec la tradition locale confondant
fête communale et fête patronale.
A l’arrivée des Allemands le 30 août
1914, Jules Duroyon décidera de rester dans sa
fonction de premier magistrat d’une commune bientôt divisée : les ponts
sur l’Oise et sur le canal ayant été détruits, le maire n’aura plus d’autorité
que sur le seul territoire de Chiry.
Durant les premiers mois de
l’occupation allemande, le maire de Chiry-Ourscamp exercera sa fonction avec
courage face à un occupant exigeant. Sans doute sera t-il pris en otage
perpétuel comme le seront les maires des autres communes occupées. Première
commune sur la route de Paris, la situation de Chiry ne devait être guère
enviable.
Le journal Le Progrès de l’Oise du 6
octobre 1925 évoquera le sacrifice de cet ancien instituteur : « Il dut sous la menace du revolver,
satisfaire leurs volontés, faire lui-même de nombreuses corvées, tenant à faire
tout ce qui lui était possible pour éviter aux habitants les représailles dont
ils étaient continuellement menacés ».
La mort du vieil homme le 6 février 1915,
au lendemain d’une marche mystérieuse aux Cinq Piliers, en fera une
« victime de son devoir ». Décrite en 1917 par le comte Caix de Saint-Aymour dans
l’ouvrage Sur les traces des Barbares
, cette marche a donné lieu à une légende pour le moins troublante :
« Le maire de Chiry, M. Duroyon, ancien instituteur, fut aussi une victime des
Boches, dont il eut à subir des mauvais traitements qui, parfois, prirent un
forme de moquerie. C’est ainsi, par exemple, qu’une belle nuit, on le conduisit
à une ancienne carrière dite des Cinq Piliers, on le tint là jusqu’au matin, le
malmenant et le bousculant, lui demandant où était le cinquième pilier qui
avait donné son nom au lieu-dit et qui avait disparu depuis longtemps, cela va
sans dire. Le pauvre homme, déjà âgé, ne put résister à toutes ces brimades et
en mourut. »
Ce
récit, dont la véracité n’a jamais été confirmée par d’autres témoignages,
présente quelques incohérences, notamment sur le nombre de piliers qui ont
donné leur nom au site : en 1914, ils étaient bien au nombre de cinq tout
comme aujourd’hui ! La marche de
nuit jusqu’aux Cinq Piliers semble, quant à elle, peu probable. Cette légende
fut reprise en 1920 par André de Maricourt dans son
ouvrage L’Oise dévastée :
« le maire M. Duroyon
fut malmené, emprisonné dans la carrière des Cinq Piliers, mourut des suites de
ses souffrances… ». Ici, l’auteur livre une version raccourcie et
expéditive.
Un
bien curieux discours
Bien que la présentation de l’épisode
des Cinq Piliers soit sujet à caution, la suite du témoignage du comte Caix de Saint-Aymour paraît se
rapprocher de la vérité historique : « L’officier,
chef de la kommandantur du village, qui avait présidé à toutes les méchancetés
faites à M. Duroyon, tint absolument à assister à la
cérémonie. Au sortir de l’église, il sortit un papier de sa poche et lut un
beau discours célébrant toutes les vertus de son excellent ami Duroyon, disant les relations parfaites qu’il avait eues
avec lui et concluant qu’Allemands et Français étaient faits pour s’entendre et
qu’il fallait absolument que, réunis, ils tournassent toutes leurs forces
contre les Anglais. Ce chef-d’œuvre n’est pas perdu ; il fut en effet
distribué à plusieurs personnes qui le possèdent encore. »
Ce discours pour le moins étonnant nous
est parvenu dans le dernier trimestre 2004 par l’intermédiaire des descendants
d’une sœur de l’ancien maire de Chiry-Ourscamp. Rédigé par Ernest Schultz, capitaine commandant le 1er Bataillon
du 52e Régiment d’Infanterie de Landwehr, ce texte sera lu à l’issue
la cérémonie religieuse du 8 février 1915 :
« Mesdames, Messieurs,
C’est
avec un sentiment de sincère deuil et de respect profond que nous, Allemands,
nous sommes ici à cette place pour assister aux cérémonies funérailles en
faveur de M. Duroyon, défunt maire de Chiry.
La commune sait combien il a valu, combien sont nombreuses ses
vertus ; malheureusement nous étions forcés d’entrer chez vous comme
soldats, comme ennemis ; mais dès le premier moment, M. Duroyon comme représentant de Chiry, s’est présenté devant
nous, comme homme extraordinaire ; il a su combiner son devoir envers sa
patrie et envers l’autorité militaire allemande ; sans doute qu’il était
l’union du patriote et du bon homme. Personne n’a aimé la France plus que
lui ; pour moi il était le vrai Français, dont le cœur noble et
chevaleresque, dont l’intelligence et le courage a su convaincre la pénibilité
de la situation provoquée par la guerre. J’ai eu le plaisir de travailler
quelque temps avec lui en service, pour le faire connaître, et à l’heure où une
puissance plus haute l’a pris, je suis triste parce que j’ai perdu un ami. Pour
Chiry et pour nous, le souvenir de M. Duroyon
survivra en nous les terreurs de la guerre, et si la paix sera faite, je
voudrais espérer que toute la nation française soit remplie de l’esprit de
notre ami défunt qui a bien reconnu que l’Allemagne et la France devaient être
alliées ; et qui sans doute le fussent si l’Angleterre n’avait brûlé la
haine dans vos cœurs contre nous par des motifs misérables ; motifs de concurrence
commercial ; mon cher Duroyon, avec ta sagesse
et l’expérience de vieillesse tu l’as reconnu mais maintenant c’est fini pour
toi ; ton cœur qui a tant souffert ne bat plus ; Repose-toi en paix
et que le bon Dieu te mène à l’éternité. »
A la lecture de ce discours,
l’attitude de l’ancien maire de Chiry-Ourscamp peut paraître suspecte ; il
s’agit, en fait, d’une tentative de réconciliation de l’armée d’occupation avec
l’habitant. En ce début d’année 1915, la guerre s’enlise et impose à
l’envahisseur de prendre de nouvelles dispositions pour vivre en territoire
conquis. Après avoir fait régner la terreur, les autorités allemandes
instituent une « cohabitation courtoise ». Ce discours funéraire est
la parfaite illustration de ce changement d’attitude envers les Français.
L’inhumation
du maire de Chiry-Ourscamp sera suivie par la population et les troupes
d’occupation lui conférant ainsi un caractère particulier dans cette période
tendue où tout attroupement était interdit. Le capitaine Schultz
voulut, d’ailleurs, que cette cérémonie revête un caractère officiel en allant
quérir le curé de Noyon pour célébrer la messe. Les mouvements de population et
le regroupement autour de l’église suscitera la curiosité des observateurs
français. Aussitôt, une salve d’artillerie mettra fin à cette agitation. Sœur Saint-Eleuthère, religieuse de la congrégation de
Saint-Thomas de Villeneuve, écrira dans ses mémoires cette péripétie qu’on lui
a rapportée : « Ce même jour,
M. le curé a été réquisitionné (si on peut employer cette expression) pour
aller à Chiry faire l’enterrement du maire de ce village. Il était accompagné
de son enfant de chœur et de plusieurs officiers allemands. Une auto est mise à
leur disposition. Ils arrivent à Chiry. Nous l’avons dit plus haut tout était
calme le matin, mais à peine l’auto a-t-elle pénétré dans le village que les
bombes pleuvent de tous côtés, impossible de songer à l’enterrement, tous les
habitants étant réfugiés dans leur cave. M. l’archiprêtre attend patiemment à
la sacristie ; au bout d’une demi-heure le calme paraissant renaître, on
s’apprêtait à commencer l’office. La phrase n’était pas complètement achevée
qu’une détonation se produisit, un obus entrait par le bas de l’église et
éclatait au milieu rompant la corde du lustre qui se brisa, renversant les
chandeliers de l’autel et faisant sauter tous les vitraux. Le brave colonel
n’en attendit pas davantage se dirigeant à toutes jambes vers une cave. Le
premier moment de stupeur passé, M. l’archiprêtre pénétra dans l’église et
constata les dégâts. Les plâtres étaient en partie tombés et épaisse couche de
poussière et de pierres recouvrait les dalles du sanctuaire et même l’autel qui
lui était couvert de mitrailles. L’enterrement n’eut lieu qu’à une heure de
l’après-midi et grâce à Dieu notre bon curé put rentrer sain et sauf à Noyon »
Le comte Caix
de Saint-Aymour, quant à lui, rapporte une autre
version des faits : « Il y avait beaucoup de monde à cette
cérémonie funèbre, que présidait M. l’Archiprêtre Lagneaux,
de Noyon, venu tout exprès pour officier, en l’absence du curé et d’autres
prêtres dans le voisinage. Le cortège se développait majestueusement dans les
rues de Chiry, se dirigeant vers le cimetière, lorsque nos observateurs de la
butte d’Antoval ou de Saint-Léger-aux-Bois
signalèrent le rassemblement inaccoutumé qui se produisait à Chiry et tout à
coup une bombe bien dirigée tomba, heureusement à quelque distance, et sans
blesser personne. Panique générale. Seuls, l’archiprêtre et un acolyte restent
courageusement à leur poste. On ne put terminer l’inhumation, cette fois en
petit comité, que dans le courant de l’après-midi. »
Jean-Yves
Bonnard
Adhésion 2005 à l’association PROMETHEE : 7,5€ ;
S’adresser à Michel Delignières, Trésorier de
Prométhée, 4 rue du Château, 60138 Chiry-Ourscamp
ASSOCIATION
PROMETHEE
Siège social : 4, rue du
Château - 60138 Mairie de Chiry-Ourscamp